Des croix du souvenir sur les nouvelles tombes dun cimetière de la ville
méridionale de Kherson le 28 décembre 2022 © Dimitar Dilkoff AFP
Dmytro Gorshkov, rédacteur ukrainien qui travaille à Kiev
pour l’AFP depuis 2013, n’y croit pas encore. « Tout le monde
pensait qu'on éviterait » la guerre. Lui aussi. Il a d’ailleurs
passé une soirée normale avec son épouse et son fils, chez
lui, dans un quartier résidentiel du nord de la capitale ...
Pourtant, peu après, des explosions sont entendues à Ma-
rioupol et Kramatorsk (est), puis à Odessa (sud), à Kharkiv,
à la frontière avec la Russie.
À 06:15 (05:15 GMT) les sirènes d’avertissement anti-bom-
bardement retentissent à Kiev. Le doute n’est plus permis.
La guerre a commencé.
Nous envoyons très vite des photos et des images en live
vidéo de la place Maidan, dans le centre de Kiev, où l’on en-
tend justement ces sirènes. Et l’un de nos trois JRI dans le
pays est stationné dans l’est, ce qui nous permet de diffuser
les premières images de guerre avec des colonnes de fumée
d’un aéroport bombardé par les Russes.
Les reprises vidéo sont énormes. Sur les deux premiers
jours de l’invasion, elles sont trois fois plus importantes que
celles de la prise de Kaboul par les Talibans. Du jamais vu.
Ce matin-là, se souvient Daniel Leal, photographe basé ha-
bituellement à Londres, «les regards ont changé ». « Des fa-
milles en désespoir, des enfants en pleurs. Ils étaient en état
de choc. Je m’identifiais avec les parents, et les enfants,
parce que je suis père et que j’ai un enfant de sept ans, un
autre de cinq et un troisième en route. Cela nous a tous pris
par surprise, même moi. Je ne pouvais éviter de m’imaginer
dans leur situation. »
Avec les premières frappes russes, déplacer le bureau de
Kiev et mettre ses occupants à l’abri, s’impose. L’équipe
s’installe à l’hôtel Mercure de la ville et prévoit d’y séjourner
plusieurs semaines.
L’acheminement de casques, gilets pare-balles, tenues de
protection anti-radiations nucléaires, contaminations bio-
logiques et chimiques, commence. Un équipement qui
trouve toute son utilité lorsque les Russes attaquent le
5 mars la centrale nucléaire de Zaporijie, dans le sud de
l’Ukraine.
Le bombardement fait planer « une menace pour le monde
» et représente l’équivalent de « six Tchernobyl », s’alarme le
président Volodymyr Zelensky.
L’équipe en Ukraine et en Pologne, près de la frontière, se
procure trois véhicules afin d’assurer les déplacements de
nos collaborateurs et parachève le dispositif de couverture.
Des journalistes locaux et des envoyés spéciaux sont à pied
d’œuvre. Des éditeurs texte, photo et vidéo sont dissémi-
nés sur sept pays alentours. La machine est bien huilée : la
production vidéo est traitée à Londres, des papiers de fond
sont traités par le pôle international à Paris, le tout sous la
houlette de la rédaction en chef.
Pour AFPTV, le défi à relever est grand. Il s’agit du premier
conflit majeur sur le sol européen qu’elle est en mesure de
couvrir entièrement Au fil des combats sa production va
constituer une vitrine impressionnante pour toute lAgence
En un an elle va enregistrer plus de 15 millions de reprises
et produire plus de 3 000 vidéos un volume sans précédent
pour un seul évènement sur une telle durée
La région senfonce dans la guerre Quelque 80 missions sont
envoyées sur le terrain avec en tout 70 personnes envoyées
en Ukraine depuis la fin février un tiers dentre elles pour
chacun des métiers texte photo vidéo parfois jusquà
neuf personnes en même temps pour les trois réunis
La coopération entre le texte la photo et la vidéo atteint des
sommets Des reporters textes munis de smartphones font
des live vidéo dans Kiev En vidéo photo et texte nous arri
vons les premiers le 8 avril à la gare de Kramatorsk qui vient
dêtre frappée de plein fouet par deux missiles russes Lex
plosion fera près de 60 morts et des centaines de blessés
Il va falloir garder son souffle et donc utiliser ses forces diffé-
remment. Le rythme des missions ralentit. Des journalistes
locaux sont recrutés, en tout une dizaine d’Ukrainiens, afin
de prêter main-forte à l’équipe. Nous organisons des rota-
tions de cinq semaines sachant qu’il faut au minimum deux
jours pour se rendre en Ukraine et deux jours pour en reve-
nir. Plusieurs de nos reporters tous métiers confondus ont
déjà effectué trois missions sur place. Il y actuellement trois
photographes staff et cinq photographes pigistes réguliers
ou sous contrat.
La guerre de 2014 avait permis de renforcer le réseau de
photographes ukrainiens. En 2022, il est bien rôdé, avec de
bons contacts avec l’armée dans le Donbass où l’un d’entre
eux va régulièrement couvrir la vie des tranchées auprès
des soldats. Deux envoyés spéciaux sont sur le terrain de-
puis quelques jours. Ce sont des photographes chevronnés
et les clients connaissent bien leur signature. La première
photo des fumées noires au-dessus d’une base aérienne
de l’est du pays bombardée par les Russes fera la Une du
New York Times et de nombreuses reprises dans la presse
internationale. Elle reste la photo la plus téléchargée de ce
premier jour de guerre.
Lédition de la production photo a dû basculer en urgence
vers Paris Habituellement cétait léditeur de Moscou qui
traitait les images dUkraine mais rapidement un nouveau
fonctionnement a été mis en place et les éditeurs de Paris
ont dû faire face à beaucoup dimages violentes auxquelles
ils nétaient pas forcements habitués en Europe
Pour la vidéo un coordinateur gère léquipe qui est compo
sée de deux JRI bientôt trois Un envoyé spécial est là qua
Un parent s’agenouille près du corps d’un adolescent dé-
cédé lors d’une frappe de missile russe à un arrêt de bus
à Saltivka, un quartier nord de la deuxième plus grande
ville ukrainienne de Kharkiv, le 20 juillet 2022. © Sergey
Bobok / AFP
Des militaires ukrainiens tirent avec un canon Caesar
français en direction des positions russes sur une ligne de
front dans la région de Donbass, dans l’est de l’Ukraine, le
15 juin 2022. © Aris Messinis / AFP
De la fumée noire sélève de laéroport militaire de Chuguev près
de Kharkiv le 24 février 2022 © Aris Messinis AFP
Des militaires ukrainiens transportent une victime pour la placer
à côté d'autres victimes après le bombardement de la gare de
Kramatorsk, le 8 avril 2022. © Hervé Bar / AFP