Le Festival de Cannes, rendez-vous incontournable pour l’AFP depuis sa création en 1946, plus que jamais entre glamour et actualité brûlante ? Bien au-delà d’un simple événement culturel et « people », le festival est également un miroir de son époque, l’actualité s’y invitant chaque année.
Cette 78e édition a été celle de la guerre à Gaza, omniprésente dans les différentes sélections comme dans les prises de position de stars telles que Juliette Binoche, présidente du jury. L’édition 2025 a également vu Robert De Niro faisant feu de tout bois contre Donald Trump ou encore la projection d’un documentaire consacré à Julian Assange. Elle s’est conclue par une Palme d’or en forme de défi au pouvoir iranien, filmée clandestinement par Jafar Panahi.
Comment l’AFP s’organise-t-elle pour couvrir, pendant 15 jours d’affilée, le plus grand festival de cinéma du monde, avec ses centaines de projections et de stars ? Et que retenir de cette édition particulière ?
Des équipes complémentaires
Chaque année, l’AFP couvre le Festival. En 2025, l’équipe sur place comptait dix journalistes, un pôle photo (quatre photographes, quatre éditeurs, un technicien/photographe chargé d’un robot capturant des images sur le tapis rouge et dans la salle des cérémonies d’ouverture et de clôture), sept JRI, plus un journaliste dédié aux réseaux sociaux chaque semaine.
Une équipe diversifiée qui se doit de faire preuve d’une coordination sans faille, comme l’indique Valéry Hache, photographe aguerri qui couvrait son 19e Festival de Cannes : « Il faut être soudés pour ne rien rater – la hantise des photographes – car tout est millimétré par l'organisation du festival ! » Et les surprises ne sont pas rares, de l'officialisation du couple formé par l’actrice Lyna Khoudri et le footballeur Karim Benzema sur le tapis rouge à la montée des marches de soldats ukrainiens à l’initiative du chanteur de U2, Bono, et de l’acteur Sean Penn.
Le musicien britanno-irlandais The Edge, le chanteur et auteur-compositeur irlandais Bono, ainsi que l’acteur, scénariste et réalisateur américain Sean Penn posent avec des soldats ukrainiens à leur arrivée pour la projection du film « Bono: Stories of Surrender », le 16 mai 2025. © Bertrand Guay / AFP
L’attaquant français de l’Ittihad, n°09 Karim Benzema, et l’actrice franco-algérienne Lyna Khoudri, le 23 mai 2025. © Sameer Al-Doumy / AFP
Les sujets à couvrir sont nombreux : les films les plus attendus projetés en avant-première, les plus grandes stars, les débats liés l’actualité internationale et à #MeToo, l’intelligence artificielle, le marché audiovisuel et les polémiques inattendues… Ainsi, dans cette équipe internationale et multilingue (français, anglais, espagnol, allemand, arabe ou russe), tous les profils et âges sont représentés.
« Il faut pouvoir traiter aussi bien la Nouvelle Vague française des années 1970 que le cinéma iranien contemporain ou les influenceurs. A l’ère de TikTok, le tapis rouge de Cannes est plus que jamais un passage obligé pour les personnalités en quête de notoriété », explique François Becker, journaliste texte à l’AFP qui couvre le cinéma depuis cinq ans, après avoir travaillé en Allemagne, au service économique, en banlieue parisienne et au bureau de Marseille. Il a couvert sept éditions cannoises à ce jour.
• 1re photo : De gauche à droite, les actrices iraniennes Hadis Pakbaten et Maryam Afsharimovahed, l’acteur iranien Majid Panahi aux côtés du réalisateur, scénariste et producteur iranien Jafar Panahi après avoir remporté la Palme d’or pour le film « Un simple accident », le 24 mai 2025. © Valery Hache / AFP
• 2e photo : L’actrice iranienne Maryam Afsharimovahed après la victoire du réalisateur, scénariste et producteur iranien Jafar Panahi, le 24 mai 2025. © Valery Hache / AFP
• 3e photo : Le réalisateur irakien Hasan Hadi, lauréat de la Caméra d’or pour le film « The President’s Cake », le réalisateur, scénariste et producteur iranien Jafar Panahi, et l’actrice iranienne Hadis Pakbaten, le 24 mai 2025. © Valery Hache / AFP
Des journées rythmées
L’équipe de l’AFP est l’une des rares à disposer de bureaux à l’intérieur même du Palais des Festivals. Une ruche où l’on travaille jour et nuit, et une place stratégique avec accès direct aux salles de projection, de conférence de presse et aux coulisses. Des vestiaires sont intégrés car, sur le tapis rouge et en séance de gala, le festival impose à toutes et à tous, journalistes compris, la tenue de soirée.
À Cannes, chaque minute compte, prévient François Becker. Et le travail commence bien avant l’ouverture du festival. « Il faut se coordonner au mieux, en texte, photo, vidéo horizontale et verticale, pour pouvoir se démultiplier sur place. Ça commence plusieurs semaines à l’avance avec la projection de certains films à Paris et la prise des premiers rendez-vous ». Une fois l’événement lancé, l’agilité est essentielle pour faire face aux changements d’horaires, propositions d’interviews de dernière minute et autres imprévus. « À vrai dire, on voit peu la lumière du jour ! Les journées commencent à 07h00 avec les réservations en ligne pour les projections de films (une centaine par édition). Il faut ensuite jongler entre ces séances, qui débutent avant 09h00 et se terminent après minuit, et les nombreuses interviews proposées à l’AFP au Palais des Festivals, dans les palaces ou sur des plages, le choix des angles, l’écriture des papiers… » ajoute-t-il.
• 1re photo : L’acteur français Raphaël Quenard pose lors d’un photocall pour le film « I Love Peru » à la 78e édition du Festival de Cannes, le 18 mai 2025. © Miguel Medina / AFP
• 2e photo : De gauche à droite, la réalisatrice, scénariste et directrice de la photographie britannique Molly Manning Walker, la réalisatrice italienne et membre du jury du 78e Festival de Cannes Alice Rohrwacher, l’actrice française et présidente du jury Juliette Binoche, et la réalisatrice, scénariste et présidente du jury de la Cinéfondation Maren Ade, le 17 mai 2025. © Sameer Al-Doumy / AFP
• 3e photo : Le réalisateur et producteur exécutif américain Spike Lee, l’acteur et chanteur américain ASAP Rocky, ainsi que l’acteur américain Denzel Washington posent lors d’un photocall pour le film « Highest 2 Lowest », le 19 mai 2025. © Sameer Al-Doumy / AFP
Emmanuelle Monier, JRI à l’AFP, arrivée récemment au pôle Numérique Culture après un passage par le service Politique et des années au MCR de Paris et Washington, couvrait son 2e festival de Cannes. Ses journées débutaient par une projection matinale, avant les conférences de presse. « L’après-midi et jusqu’à tard dans la soirée, ce sont les tapis rouges et les fameuses montées des marches qui requièrent toute notre attention. Il faut ensuite éditer et envoyer sur le fil ! Les journées se terminent tard, il n’est pas rare qu’on arrive au restaurant vers minuit pour dîner. » Entre conférences de presse et montées des marches, l’équipe filme aussi des interviews avec des acteurs et réalisateurs ou des à-côtés de la vie cannoise. Cette année, par exemple, une rencontre avec le maître d'hôtel du Carlton, 40 ans au service du palace et quelques mois avant la retraite, a fait l’objet d’un sujet.
Chez les photographes, les journées s’articulent autour des photocalls à partir de 10h30 et des montées des marches, jusqu’à quatre, réparties dans l’après-midi et la soirée. Dans les intervalles, « on jongle entre rendez-vous avec des acteurs et réalisateurs et recherche de "features", c’est-à-dire des illustrations sur le festival, comme les fans sur escabeaux ou les tenues extravagantes sur la Croisette », raconte Valéry Hache.
Une spectatrice prend un selfie du haut d’un escabeau en face du tapis rouge, lors de l’arrivée des invités pour la projection du film « Sirat », devant le Palais des Festivals, le 15 mai 2025. © Valery Hache / AFP
Les réseaux sociaux étaient représentés par Margarita Govorine, deux séjours cannois à son actif. Elle couvre tout type de sujets d’actualité depuis trois ans, en les adaptant aux mieux à ces audiences. Margarita Govorine a partagé la couverture avec un collègue, Adrien Barbier. « Chacun couvre une semaine en coordination avec les autres services. Les journées commencent vers 07h00 du matin, pour préparer la couverture. Étant seul sur place dans notre format, il faut réussir à faire de la coordination, du tournage, du montage et de la publication. Il faut rester à l’affût des imprévus, veiller sur les réseaux sociaux, garder un œil sur l’actualité. C’est très intense, mais utile pour tous les métiers. »
Une concurrence féroce
L’acteur français Vincent Macaigne (au centre, au premier rang) est assis parmi les photographes lors d’un photocall pour le film « Arco », le 16 mai 2025. © Sameer Al-Doumy / AFP
« Obtenir des interviews avec les grands noms du cinéma français ou international n’est pas simple, le réseau du reporter texte qui couvre le cinéma à l'année aide beaucoup », observe Margarita Govorine. François Becker confirme que « la concurrence est rude. Avec 4 000 journalistes accrédités, le Festival de Cannes est l’un des plus gros évènements médiatiques avec les Jeux olympiques et la Coupe du monde de foot. » explique-t-il. « Sans compter que les stars et les producteurs préfèrent désormais souvent se passer des journalistes et se consacrer aux influenceurs et aux réseaux sociaux, où ils risquent moins d’être mis en difficulté. À nous de les convaincre de se prêter au jeu de l’interview ! »
Pour les photographes aussi, la pression est constante : capter l’instant, ne rien rater. L’un de leurs atouts réside dans le positionnement stratégique d’un robot. Celui-ci, piloté par Antonin Thuillier, était placé sur le tapis rouge et dans la salle qui accueille les cérémonies d’ouverture et de clôture. Il permet d’obtenir des photos, avec des angles inédits, qui sont très reprises.
• 1re photo : L’actrice française Nadia Melliti reçoit le Prix de la Meilleure Actrice pour son rôle dans le film « La Petite dernière » (« The Little Sister », également intitulé « The Last One »), des mains de l’acteur français Daniel Auteuil, le 24 mai 2025. © Antonin Thuillier / AFP
• 2e photo : Le réalisateur, scénariste et producteur iranien Jafar Panahi (à droite) célèbre sa victoire après avoir remporté la Palme d’or pour le film « Un simple accident », le 24 mai 2025. © Antonin Thuillier / AFP
• 3e photo : L’actrice britannique Hayley Atwell regarde autour d’elle après la projection du film « Mission : Impossible – The Final Reckoning », le 14 mai 2025. © Antonin Thuillier / AFP
Moments suspendus, moments historiques
Certains instants restent gravés.
Pour Valéry Hache, trois photos se détachent. D’abord, l’émotion palpable de Robert De Niro et Denzel Washington quand chacun a reçu une Palme d’or d’honneur récompensant l’ensemble de leur filmographie. Et Bono allongé sur sol à la fin du photocall d'un documentaire qui lui était consacré.
François Becker évoque lui son entretien avec Robert De Niro, sur une terrasse du Palais des festivals. Une rencontre rare avec une légende du cinéma qui a préféré parler de politique. « De Niro a évacué la plupart des questions consacrées à sa carrière, pour sonner l’alarme sur l’état de l’Amérique et livrer un réquisitoire anti-Trump. Un moment unique, tandis que, quelques étages plus bas, Tom Cruise déclenchait l’hystérie sur le tapis rouge ».
L’acteur américain Robert De Niro reçoit la Palme d’or d’honneur des mains de l’acteur américain Leonardo DiCaprio lors de la cérémonie d’ouverture, le 13 mai 2025. © Valery Hache / AFP
L’acteur américain Denzel Washington reçoit la Palme d’or d’honneur avant la projection du film « Highest 2 Lowest », le 19 mai 2025. © Valery Hache / AFP
Le chanteur irlandais du groupe U2, Bono, pose lors d’un photocall pour le film « Bono: Stories of Surrender », le 17 mai 2025. © Valery Hache / AFP
Pour Margarita Govorine, l'un des sujets les plus marquants a été la chute d’un palmier sur la Croisette, blessant un festivalier, que l’AFP a immédiatement couverte en texte et en images. « La vidéo a dépassé plus d’un million de vues sur les réseaux sociaux de l’AFP. Comme quoi, les faits divers marchent parfois mieux que les grandes célébrités ! »
(De la 2e à gauche) La productrice franco-britannique Kathleen Fournier, l’avocate suédo-espagnole Stella Assange, l’éditeur et militant australien Julian Assange, ainsi que l’ancien président de l’Équateur Rafael Correa arrivent pour la projection du film « The Six Billion Dollar Man », le 21 mai 2025. © Sameer Al-Doumy / AFP
« À Cannes, les échos du monde ne sont jamais loin », confirme Raphaëlle Peltier, adjointe à la cheffe du pôle Numérique Culture et coordinatrice de l’équipe texte à Cannes, après des années aux sports et comme correspondante au Qatar. « On est sans cesse à l’affût de phrases ou d’images à portée politique qui feront l’objet d’une dépêche, voire d’une alerte. Qu’il s’agisse, pendant la cérémonie d’ouverture, de l’hommage de Juliette Binoche à une photoreporter tuée à Gaza, des soldats ukrainiens sur le tapis rouge ou de l’acteur américano-chilien Pedro Pascal appelant à "combattre" la politique migratoire de Trump en conférence de presse. »
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