Gaël Thirapathi
Une psy près des couveuses pour donner "envie de vivre" aux prématurés
14 avril 2013 - Saint-Denis, France - Dans la pénombre, des nourrissons d'à peine 700 grammes vivent en couveuse, reliés à des respirateurs et une foule d'écrans. Mais pour Catherine Vanier, psychanalyste des prématurés à l'hôpital de Saint-Denis, ce sont "les mots qu'on leur dit, l'humain autour d'eux" et la présence des parents, qui réanimeront "l'envie de vivre" des bébés.
A l'hôpital Delafontaine, quelque 400 prématurés sont admis en néonatologie chaque année. "Ici, on réanime à la fois le corps et le désir de vivre", dit en souriant le chef de service Dr Pascal Bolot, très fier de "cette autre approche des bébés et des parents".
En Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, le taux de mortalité périnatal est l'un des plus forts du pays, souligne le Dr Bolot, qui l'explique par les difficiles conditions de vie des "populations extrêmement paupérisées" accueillies à l'hôpital, chez qui les grossesses sont "mal ou pas suivies du tout".
Dans "Naître prématuré. Le bébé, son médecin et son psychanalyste" (Bayard), Mme Vanier, qui a été l'élève de Françoise Dolto, raconte plus de vingt années de travail psychanalytique dans ce service, où elle est arrivée par hasard, en 1985, appelée pour une urgence.
Elle n'en est jamais repartie et depuis, la psychanalyse irrigue le travail des médecins, puéricultrices, aide-soignantes, afin de mieux aider les parents.
"si fragile"
"Ca a été deux mois d'angoisse", raconte Céline Sebag, dont la petite Tal est née à 32 semaines en juillet 2012. "Ils l'ont intubée, puis nous ont dit de profiter de chaque instant car il n'était pas sûr qu'elle passe la journée".
"Le problème, c'est qu'on ne peut pas envisager quoi que ce soit", ajoute le père, Jonathan, pour qui l'approche de l'équipe soignante a été "vraiment apaisante". Avec Mme Vanier, ils ont pris conscience que l'état d'esprit des parents est crucial pour le développement de l'enfant. "Quand j'étais au plus bas, elle stagnait. Quand ça ne va pas, l'enfant le ressent", souligne Céline Sebag.
La plupart des grands prématurés restent plus d'un mois dans le service, le temps notamment que leurs poumons se développent. Mais certains, trop petits, trop fragiles, meurent: à 25 semaines, un prématuré a moins d'une chance sur deux de survivre, selon le Dr Bolot.
"Le plus difficile, c'est l'accompagnement des décès. On doit essayer de prendre de la distance", confie l'infirmière Nadia Nay. "Mais quand les bébés sont restés longtemps, on vit ça comme un échec".
Car au-delà de la médecine, le travail des soignants, qui sont tous "des psys extraordinaires" selon Mme Vanier, est d'aider les prématurés à "exister".
"Il est très important que le bébé ne soit pas laissé seul à sa machine car il s'identifie à ce qui l'entoure. Les bébés n'ont pas besoin que d'oxygène, ils ont besoin qu'on leur parle", martèle la psychanalyste, qui s'interroge: "comment faire pour qu'un séjour en réanimation n'abîme pas un bébé, ne laisse pas de séquelles psychiques?".
Sans parler de la "culpabilité" et du lien "si fragile" entre la mère et l'enfant. "Quand un bébé oscille entre la vie et la mort, on a du mal parfois à être une mère, à s'en occuper", constate la psychanalyste, dont l'émerveillement perpétuel devant ces nourrissons qui pèsent souvent moins d'un kilo - et leurs minuscules mains, lèvres, pieds roses - agit comme un baume dans ce service feutré où ils dorment sans bruit, engoncés dans leur couveuse, couverts de capteurs et de tuyaux.
"Très souvent, les mères ont à peine vu leur bébé, qui leur a été arraché" dans le cadre d'un accouchement compliqué, souligne Claudine Laval, une infirmière qui se sent vraiment utile au moment où "elles le prennent pour la première fois dans les bras".
Le mot de Gaël Thirapathi :
"J'ai choisi cette dépêche car elle traite de la façon dont les bébés prématurés ressentent et créent des liens avec ce qui les entoure, et cela m'a touché. Dans mon strip, j'ai joué avec le cliché que l'on a des psys pour aborder ce thème de manière amusante."
En savoir plus sur l'illustratrice :
Des tongs aux pieds, la mer à perte de vue, j’ai grandi sur l’île de la Réunion. Pas très fan de sport, j’ai eu la chance étant petite d’être plutôt baignée dans les activités artistiques. Du théâtre à la musique en passant par le dessin, c’est vers ce dernier domaine que mon intérêt s’est le plus développé. Après l’obtention de mon bac, je suis venue m’installer à Lyon pour étudier cette passion.
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