Au fil de l'AFP

La Libération de Paris : la journée du 22 août relatée par l'AFP le 26 août 1944

Le 26 août 1944, Paris tout juste libéré, l'AFP diffuse une chronologie des onze jours qui ont précédé la capitulation des Allemands, après quatre années d'occupation de la capitale.


(Des combattants armés des FFI escortent les soldats allemands sur les Grands Boulevards à Paris après la prise du bâtiment Kommandantur sur la Place de l'Opéra.)

 

Voici la journée du 22 août racontée par le journaliste de l'AFP Jean Le Quiller.

 

Mardi 22 août

La prétendue trêve continue ; ainsi, on échange les prisonniers FFI (Forces françaises de l'intérieur, Résistance, ndlr) faits à la mairie de Neuilly contre les Allemands pris à l'Hôtel de ville et à la préfecture. Mais les moeurs ne sont pas partout aussi aimables. Près de la gare de Lyon, deux jeunes gens sont fusillés par les Allemands parce que l'un d'eux portait un brassard FFI ; au coin de la rue Lafayette et de la rue Cadet, le porteur du journal "Ce soir", Verdière, est arrêté, emmené au Bois de Boulogne et fusillé ; place St Augustin, tout porteur de brassard est passé par les armes.

Un certain nombre d'assassinats se commettent ainsi dans Paris ; aux abords de la gare de Lyon, un membre de l'"Afrika Korps" (détachement allemand opérant en Afrique du Nord, ndlr) se rend célèbre par sa cruauté ; là où sont tombées toutes ces victimes, il y a maintenant des fleurs et d’émouvantes pancartes manuscrites.

D'ailleurs, il n'y a pas seulement des actes individuels à reprocher aux Allemands : à 9h, ce matin, 3 chars accompagnés de grenadiers, partis du Luxembourg, ont remonté la rue Soufflot et attaqué le poste de police du Panthéon ainsi que la mairie du Vème ; les FFI les repoussent d'abord, mais à 10h, une nouvelle attaque les oblige à se retirer ; ils s'en vont, emmenant les Allemands et les collaborateurs qu'ils retenaient prisonniers.

De même, à l'Hôtel de ville, vers 11h, un engagement a lieu ; des camions allemands voulant forcer les barrages sont attaqués et pris ; leurs occupants sont blessés ou faits prisonniers, des chars surviennent alors, bombardent l'Hôtel de ville, mais doivent bientôt se retirer.

De nombreux monuments publics sont occupés : ministère du Travail, ministère des PTT. Sur les ondes, on peut capter un poste qui commence ses émissions par les mots magiques "Ici, Libre Patrie". Le "Populaire" fait paraître son premier numéro, orné d'un grand portrait de Léon Blum ; dans les rues qui avoisinent l'Hôtel de ville "Combat", "Franc-Tireur", "Défense de la France", "Libération" sont vendus par les camelots : "L'Humanité" connaît une vente brillante place Victor Hugo, en plein XVIème arrondissement : on aura tout vu.

Le général (Marie-Pierre) Koenig (général en chef des FFI, ndlr) est nommé gouverneur militaire de Paris ; il lance un appel à la population que publient les journaux et qui est affiché.

A 15h20, de nouvelles bagarres éclatent rue de Seine et rue St André des Arts ; décidément, la trêve est bien observée. A 16h, elle est officiellement rompue ; la situation est dès lors beaucoup plus nette.

L'Etat-Major des FFI prescrit une action généralisée, conseille de ne pas se concentrer dans les monuments, mais de faire des actions de harcèlement à l'aide de groupes mobiles, d'établir des barrages et de nombreux petits postes, d'éparpiller la guerre en somme. Le soir, il fait passer des notes aux journaux : ce sont des recettes : "comment construire une barricade" ; "comment construire des mines anti-char" ; "comment fabriquer des bouteilles d'essence"... Les Parisiens liront cela demain dans leurs journaux.

De violents combats de déroulent le soir dans le XXème : 30 Allemands tués. Un convoi allemand est attaqué quai de la Tournelle.