Au fil de l'AFP

Tribune de Fabrice Fries dans Le Figaro

L’AFP ne laissera personne mettre en cause son impartialité. 

Alors que l’Agence France-Presse est critiquée pour avoir refusé de qualifier le Hamas de mouvement terroriste, son PDG explique les raisons de ce choix et se défend de tout biais propalestinien. 

Par Fabrice Fries, Président-directeur général de l'AFP

L’AFP est visée par une polémique qui l’accuse de biais propalestinien au motif qu’elle se refuse à qualifier elle-même le Hamas de mouvement terroriste. L’accusation est suffisamment grave pour qu’elle appelle une clarification.

D’abord, cette consigne éditoriale n’est ni spécifique au Hamas ni nouvelle : cela fait plus de vingt ans, depuis les attentats du 11 Septembre, que selon sa charte éditoriale, l’agence ne doit qualifier elle-même de terroriste aucun mouvement, groupe ou individu. La consigne a été appliquée pour al-Qaida, l’IRA, les Farc, et j’en passe. Bien sûr, la consigne a pu ne pas être appliquée çà et là, mais l’AFP produit 4 000 dépêches par jour et dans l’ensemble, la règle est bien suivie et comprise au sein de l’agence.

Ensuite, l’AFP n’est pas seule à appliquer cette règle : les deux autres agences mondiales que sont Reuters et Associated Press appliquent la même. Il y a une raison simple à cela : elles font le même métier. Leurs clients sont les médias, qui attendent des agences non pas un point de vue mais des faits, corroborés par des sources précises. Si le qualificatif de terroriste est utilisé pour parler du Hamas, ils veulent savoir « qui parle ». Le Hamas n’étant pas reconnu urbi et orbi comme organisation terroriste, l’AFP précisera donc, selon sa charte, que le Hamas est « qualifié de mouvement terroriste par les États-Unis, l’Union européenne ou Israël notamment ». Elle pourra aussi parler d’un mouvement qui « ne reconnaît pas le droit d’Israël à exister ». Libre naturellement aux médias, quand ils reprennent les dépêches de l’AFP, d’ajouter ou pas le qualificatif de terroriste : ce sont eux, pas les agences, qui font le commentaire, écrivent les éditoriaux, ont une « ligne ».

Pourquoi cette règle ? Parce que l’appellation de terroriste est mouvante et très chargée politiquement, particulièrement depuis la « guerre contre la terreur » de l’après-11 Septembre. Sans qu’il s’agisse de faire aucune équivalence avec les atrocités commises par le Hamas, le gouvernement iranien utilise ce terme pour qualifier les manifestantes contre le port du voile, le gouvernement chinois parle ainsi d’une partie de sa communauté ouïgoure, et plus généralement les gouvernements autoritaires font de même pour leur opposition. Les agences ont dès lors décidé des plus grandes précautions dans le recours à ce terme et, sans se concerter, en sont arrivées à édicter la même consigne : elles se distancient du terme en citant précisément qui l’utilise.

Reste l’essentiel, que cette polémique ne saurait faire oublier : parce qu’elle dispose d’une équipe permanente à Jérusalem, Gaza et Ramallah, l’AFP a été parmi les premières à témoigner de manière indépendante sur les massacres du 7 octobre, à dire l’horreur. Aujourd’hui, une cinquantaine de nos journalistes texte, photo et vidéo sont à pied d’œuvre sur le terrain, dans des conditions très difficiles, pour décrire la tragédie en cours de la manière la plus précise et factuelle possible. Ils travaillent sous la pression de l’exigence d’une couverture en temps réel, dans un contexte de désinformation massive. S’ils l’avaient oublié, cette polémique vient leur rappeler que les profonds clivages provoqués par le conflit font que leur reportage sera scruté par ceux qui veulent prouver l’existence d’un parti pris. Quand l’AFP commet des erreurs, elle cherche à les reconnaître, à les corriger, à s’en expliquer et à en tirer les leçons. Mais elle ne se laissera pas intimider par des campagnes mettant en cause son impartialité.