Règles d'utilisation des réseaux sociaux pour recueillir de l’information

Principes généraux

Les réseaux sociaux, tels que Twitter, Facebook ou YouTube, se sont imposés ces dernières années comme des outils de travail pour les reporters et les éditeurs de l’agence : outils de veille, d’alerte mais aussi parfois – dans des cas bien particuliers – sources d’informations ou de collecte de photos et de vidéos.

Dans la plupart des circonstances, le bon sens et nos pratiques habituelles telles qu’elles sont détaillées dans le manuel de l’agencier nous permettent de garantir une bonne utilisation des matériaux circulant sur ces réseaux.
Cependant, l'utilisation de données issues des réseaux sociaux comporte des risques pour la réputation de l'agence en matière de fiabilité et d'exactitude – en raison du caractère ouvert d’internet – et peuvent également avoir des retombées juridiques. D’où la nécessité de respecter des règles spécifiques, établies à partir de nos expériences en la matière, afin de réduire au maximum les risques pour l'agence et de fournir aux clients tous les éléments de contexte nécessaires.

Règles pour le texte

Quand c’est pertinent pour leur domaine de couverture, les reporters et éditeurs surveillent Twitter, Facebook, etc. tout comme ils le font avec d’autres sites de veille. Pour toute information utilisée en provenance de ces réseaux, ils appliquent les mêmes règles de vérification que celles utilisées pour l’ensemble de leurs sources et s’assurent notamment que l’agence a le droit de publier ou de distribuer les données recueillies.

Ce que nous pouvons faire

1. Suivre les déclarations de personnalités, d’hommes ou femmes politiques
Les reporters peuvent utilement bâtir sur Twitter et Facebook un réseau de comptes de confiance et pertinents dans leur domaine, qu'il s'agisse de personnalités, d’hommes ou femmes politiques, de contacts ou de concurrents, faute de quoi nous risquons de manquer des déclarations ou informations importantes. Dans le cas de comptes Twitter ou Facebook dont l’authenticité est certaine, il n’est nul besoin de vérifier avec la source ou son représentant si cela conduit à nous retarder. Ainsi, lors du retour dans son pays de l’opposant égyptien Mohamed ElBaradei le 27 janvier, nous avons eu comme source directe son frère, mais nous avons également utilisé un message sur Twitter de ElBaradei en personne.

2. Fournir des réactions à un événement
Nous pouvons utiliser Facebook, Twitter et autres pour faire état de l'écho rencontré par un événement dans les réseaux en ligne, comme dans le cas de réactions du public à la mort d'une célébrité.

3. Rechercher des personnes qui font l'actualité, des contacts
Les sites sociaux et de partage de contenus peuvent aussi être des outils de recherche utiles. Par exemple, lorsque l'affaire du trader français Jérôme Kerviel, accusé d'avoir fait perdre cinq milliards d'euros à la Société Générale, a éclaté, nous avons pu trouver des collègues sur sa page Facebook et les contacter pour recueillir leurs commentaires en recherchant leurs coordonnées dans l'annuaire.
Nous pouvons également utiliser les pages officielles Facebook pour lancer des appels à témoignages.

4. Etre alerté sur un événement et ses développements
Les journalistes utilisent Twitter comme alerte sur la base de messages émanant de contacts sélectionnés et de la concurrence, ou encore grâce à des mots-clé liés à un événement spécifique, comme un sommet ou une conférence. Le 1er mai, la mort de Ben Laden a d’abord filtré sur Twitter, une heure avant l’annonce officielle du président Barack Obama, via le compte de Keith Urban, responsable du cabinet de l’ancien Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.
Cette veille s’intègre à l’indispensable recherche de nos propres informations, qui reste la priorité et qu’elle permet le cas échéant d’enrichir.

Ce que nous ne pouvons pas faire

Une déclaration non recoupée sur un réseau social ne doit pas être utilisée comme source pour annoncer un événement ni pour décrire un événement en cours, sauf si – comme pour un autre canal d’information – nous sommes certains de l’authenticité du compte sur lequel elle est publiée.

Nous nous sommes ainsi laissé prendre dans le passé à un faux compte Twitter sur lequel le ministre britannique des Affaires étrangères était censé avoir envoyé un message de condoléances après la mort de Michael Jackson, se concluant par les mots: “RIP, Michael.”

Nous devons toujours recouper les informations factuelles trouvées sur des réseaux sociaux, en prenant garde au risque d’histoires fabriquées de toutes pièces sur internet.

En septembre 2009, par exemple, l'agence DPA a écrit qu'un groupe allemand de rap, les Berlin Boys, avait préparé un attentat suicide contre une petite ville des Etats-Unis, Bluewater. L'histoire semblait recoupée par le site internet du groupe de rap, le site de la chaîne de TV KVPK et une page de Wikipédia. En réalité, ni le groupe de rap, ni la chaîne de TV ni même la ville américaine n'existaient. DPA a dû convoquer une conférence de presse pour présenter des excuses.

Les journalistes de l’agence se doivent d’être rigoureux et prudents dans l’utilisation des commentaires qui sont publiés sur les réseaux sociaux ou sur internet.
La dérision (« le LOL ») et une parole décomplexée qui sont une composante importante de ces réseaux ne doivent pas nous faire oublier nos règles de bases : ne pas citer de propos diffusés via des comptes anonymes, ne pas publier de propos graveleux, diffamatoires, racistes, sexistes, etc. Les journalistes de l’agence se doivent de traiter ces commentaires comme toute parole recueillie dans le cadre d’un reportage classique.

Rappelons enfin qu’il est interdit d’utiliser Wikipédia comme source de documentation, encore moins d’en reproduire des passages. Le mode de rédaction participative de cette encyclopédie en ligne ne répond pas à nos critères de fiabilité.

Règles pour la vidéo et la photo

Il peut arriver que nous utilisions des vidéos et des photos postées sur des sites tels que Twitter, Facebook et YouTube. Cela peut devenir un recours inévitable, par exemple lorsque les médias professionnels sont exclus par les autorités de la couverture d'un événement, ou lorsqu'un témoin a posté des images exclusives ou exceptionnelles d'un événement, lorsque la seule photo disponible d'une personne qui fait l'actualité se trouve sur un site tel que Facebook, ou encore lorsque telle vidéo ou photo devient en elle-même une information.

Avant toute publication, nous devons nous poser trois questions:

1. L’image a-t-elle une valeur informative qui justifie son utilisation et la prise de risque par l'agence?


2. Avons-nous vérifié son contenu, son origine et quel est/sont les détenteurs des droits?


3. Fournissons-nous à nos clients la mise en contexte nécessaire?

Dès lors qu'il a été décidé que la valeur informative justifie l'utilisation, comme par exemple dans le cas des manifestations post-électorales de 2009 en Iran ou des mouvements de contestation en Syrie, le plus important défi qui se pose à nous est de vérifier les contenus, origines et droits associés. Il est impératif de sécuriser les droits en premier lieu.

Vérification des contenus, origines et droits

Vérification de la vraisemblance d'une image

Telle photo ou vidéo montre-t-elle une scène où les ombres et lumières ne sont pas à leur place logique, ou qui ne semble pas cohérente par rapport à son contexte général ?

Nous devons toujours consulter les journalistes AFP les plus proches de l'événement pour étayer notre évaluation. Par exemple, avant d'utiliser des vidéos de YouTube sur l'Iran, nous avons demandé au bureau de Téhéran de vérifier que les images avaient bien été tournées sur les lieux cités et que les scènes décrites étaient cohérentes avec la réalité sur place. Idem sur la Libye, les vidéos ont systématiquement été montrées au correspondant à Tripoli qui a pu en authentifier une partie. La localisation d’autres a pu être faite grâce à des photos de certains lieux figurant dans des sites internet officiels et postées antérieurement aux troubles.

Vérification de cinq éléments de base

Voici les éléments à contrôler pour les images :

Localisation : L'image montre-t-elle effectivement les lieux indiqués par la source?
Datation : La vidéo ou photo correspond-elle aux dates et heures indiquées?
Source : L'identité de la source est-elle confirmée et est-il confirmé qu'elle est l'auteur des images?
Publication : la photo ou vidéo a-t-elle déjà été publiée ou est-elle exclusive?
Copyright : l'image est-elle protégée et si oui, quelles en sont les conditions légales d'utilisation?

Vérification auprès de la source

Nous devons vérifier les contenus et droits d'utilisation avec l'auteur de l'image.

Les photos et vidéos mises en ligne sont généralement volontairement dépourvues de métadonnées, qui sont une source importante d'éléments de recoupement des dates et heures.

Si nous parvenons à contacter la source, nous devons donc lui demander un accès aux images originelles, qui recèlent ces métadonnées. De telles images sont en outre souvent de meilleure qualité.

Vérification sur internet

Quelques méthodes de recherches d'informations sur l'authenticité d'une photo ou vidéo:

1. Recherche de la même image ou d'images similaires sur internet;
2. Vérification de liens vers l'image;
3. Recherche de métadonnées et vérification du format de la vidéo ou de la photo.
4. Recherche du pays dans lequel est basé le site internet.

Ces recherches peuvent servir à confirmer ou infirmer les indications données par la source quant au contenu, date, origine et droits liés au matériau en question. Cf les sections "vérifications de l'authenticité" et "outils en ligne" ci-dessous.
Il est également possible de faire une recherche et une veille sur Twitter en mettant le hashtag (#) fake.
En cas de doute sur l’authenticité d’une image provenant des réseaux sociaux, nous pouvons également faire appel à l’expertise de notre filiale Citizenside, spécialisée dans ce domaine.

Mise en contexte

Quel que soit le média, nous devons fournir aux clients les informations qui leur permettront de juger de l'authenticité et de la fiabilité d'une image.
Si, dans des circonstances exceptionnelles autorisées par la direction de l’information, nous décidons d'utiliser une photo ou une vidéo sans avoir été en mesure de recouper la source (à condition que d'autres vérifications nous aient convaincus que le matériau est authentique et d'une valeur informative telle qu'il doit être utilisé), nous devons fournir au client une mise en contexte adéquate.
Si nous n’avons pas pu vérifier certains éléments, nous devons le préciser à nos clients.
Si nous ne pouvons pas localiser la source, nous devons identifier le site sur lequel sont postées les images – YouTube, Flickr etc. – mais autrement, cela n’est pas nécessaire.

Nous devons toujours fournir l’URL originelle, afin que les clients disposent de toute l’information disponible.

Direction de l'information

31/05/2011